"A hauteur d’homme, cette colonne de feutre gris contient quelque chose : par l’action d’une fermeture à glissière verticale, on parvient à dégager dans un premier temps les quatre côtés de ce qui peut devenir un paravent ou un tapis et à s’emparer dans un second temps du matelas roulé. Une fois ce dernier libéré des scratchs qui le retenaient en rouleau, on peut le poser à terre. Ça y est, le lit est fait. Et il est fait pour l’invité. Ce n’est pas compliqué." Emmanuelle Lallement
L’idée de départ du Jim c’est l’hospitalité, l’accueil, l'hospitalité.
“Jim appartient aux amis de matali, une gamme non pas d’objets-amis mais bien les objets de ou pour mes amis.
Cette recherche a été developpée en parallèle à mon activité au sein du Tim Thom, le centre de design intégré de Thomson multimédia. Passionnée par l’électronique, j’étais assez réticente à l’époque à l’idée de créer du mobilier.
La forme n’est pas ma préoccupation première, mes meubles sont basés sur de nouvelles typologies non des doubles fonctionnalités ; à savoir des attitudes nouvelles d’utilisation et d’usage du mobilier. Alors que notre garde-robe a changé, nos meubles sont encore pour beaucoup ceux de nos grands-parents. Les questions qui m’animent sont alors : comment repenser l’habitat ? Injecter dans notre environnement de l’hospitalité, de la générosité ? Comment penser les petits espaces ? …
J’ai pris comme postulat de prendre le contre-pieds de ma pratique “quotidienne” qui était de développer des produits pour des global markets; j’ai donc décidé à l’inverse de créer une gamme d’objets qui prenait pour partie fondatrice les spécificités de mes amis réels ou imaginés.
Il s’agissait aussi de proposer une alternative au clic-clac. Le canapé convertible est pour moi une idée impossible car le plus souvent il manque cruellement de générosité. Je souhaitais ainsi offrir à jim un objet pour lui seul et non pas transformer un objet juste le temps de son passage à Paris.
Jim est une réponse à l’exiguité des appartements parisiens ; accuellir un ami dans les meilleures conditions lorsqu’on ne possède pas de chambre d’amis.
Le premier dessin-concept de Quand Jim monte à Paris date de 1995.
La rencontre avec Domeau & Pérès s’est faite à travers la reproduction d’un “sketch” de jim publié dans la revue Intramuros. Nous nous sommes croisés à plusieurs reprises et à l’occasion de l’exposition “Design français : l’art du mobilier 1986/1996” à Boulogne-Billancourt nous avons pris rendez-vous. Jim est notre premier projet.
Ce qui m’a excité avec Domeau & Pérès, c’est leur caractère presque vierge dans l’univers de l’édition, l’idée qu’il fallait ensemble et par les projets développer une aventure ; et puis cette curiosité première, que je leur reconnais. Jim est un projet que nous avons vraiment porté ensemble et qui s’est développé avec leur savoir-faire spécifique. Il fallait dépasser le caractère artisanal d’une telle production car ’l’idée de l’hospitalité posait aussi la nécessité d’un prix accessible.
Nous avons présenté Jim au salon du meuble de Milan, dans le cadre du premier salonesatellite, en avril 1998 ; j’ai accompagné Jim avec Bruno et Philippe.
Je suis restée pendant toute la semaine à Milan. C’était très euphorisant. Je voyais des gens passer, revenir, arriver, réfléchir puis sourire en signe de compréhension et d’adhésion. L’ambiance était très chaleureuse. Jim fut publié largement dans la presse.
Le public comprenait vraiment l’idée de Jim comme un espace qu’affirmaient la lampe et le réveil et non comme un banal lit d’appoint. Et ce terme auquel je tiens beaucoup apparaissait comme une évidence : la colonne d’hospitalité.
Dés la présentation du prototype, nous avons recueilli assez de commandes d’Italie, d’Allemagne, du Portugal et des Etats-Unis pour lancer une première production.
La première version était réalisée en carton alvéolaire, matériau très résistant et léger dérivé de l’industrie aéronautique, recouvert d’une toile vinylique.
Des demandes d’expositions suivirent : une exposition, ma première, eut lieu en juin 1998 à la boutique d’Inez Franksen – ardent défenseur de Dieter Rahms - modus, à Berlin, ce fut l’occasion de rencontrer Stefan Wewerka, revoir Oliver Vogt & Hermann Weizenegger et Hans de passage à Berlin. Puis à Paris, avec la complicté de Milan et Sarah – fidèle - chez Colette… nous présentèrent une deuxième version avec de nouveaux revêtements extérieurs et une gamme de couleurs plus vives. Il y avait de l’orgeat au vernissage, ma boisson préférée. Ce furent autant mes premiers jalons que ceux de Domeau & Pérès.
En 2000, nous avons introduit l’aiguilleté de feutre, rendant l’objet plus léger donc plus facile à déplacer.
Jim est aujourd’hui quasiment un classique du catalogue Domeau & Pérès, son best-seller, mais nous travaillons toujours sur de nouveaux développements. C’est réellement un projet/produit vivant.
Ce qui m’encourage également c’est que Jim ouvre des usages et des pratiques différents et que c’est l’utilisateur qui se l’approprie. Jim crée des relations affectives très fortes…
Certains se servent du sommier comme d’un paravent, comme lit d’appoint mais aussi comme tapis de jeux pour les enfants, pour bien sûr des particuliers mais aussi pour les lieux publics – des hôtels -. Je me rappelle l’enthousiasme d’un frère dominicain qui aurait bien vu des Jim dans toutes les cellules pour libérer la pensée… Une cliente belge a acheté 5 Jim pour transformer sa maison de campagne en un dortoir géant et inviter tous ses amis… Je connais même quelqu’un qui a réalisé un espace dans son nouvel appartement autour de lui… J’aime toutes les vies de Jim et j’aime qu’elles m’échappent.”
Matali Crasset